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Lutte biologique contre la Mouche du brou

Lutte biologique contre la Mouche du brou

1er aspect : étude des facteurs abiotiques

La petite mouche Rhagoletis completa est le principal bioagresseur des noix. Originaire des Etats-Unis, on l’identifie pour la première fois en France dans la Drôme en 2007. Ses dégâts peuvent entraîner une perte allant jusqu’à 80 % de la récolte. Le seul moyen de la contrôler aujourd’hui est l’utilisation de produits insecticides.

Suite à une étude débutée en 2015 sur la différence de vitesse d’implantation de cette mouche entre deux vallées lotoises, le Comité Interprofessionnel des Fruits à coque du Lot s’était rapproché du Dr Erick CAMPAN du Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement à l’université Paul Sabatier de Toulouse pour suivre cette étude.

Nous nous intéressons en premier lieu, à la variabilité des facteurs abiotiques entre ces deux vallées : la température (en particulier les températures du printemps), les sols des vergers (granulométrie) et les méthodes culturales (traitements). L’un ou plusieurs de ces paramètres pourraient favoriser le développement de la mouche.


2ème aspect : étude de l’entomofaune et recherche d’un auxiliaire indigène

L’objectif ici est de trouver une solution de lutte biologique contre la mouche du brou. En effet, l’usage d’insecticides n’est pas une solution adaptée au long terme. Dans un désir de préservation de la biodiversité, de l’environnement et de réduire les produits phytosanitaires (pour le bien des utilisateurs et leurs voisins), nous recherchons un insecte indigène qui trouverait dans la mouche du brou une proie ou un hôte pour son développement.

Nous avons réalisé des relevés complets de l’entomofaune de plusieurs vergers sur les deux sites. Le Dr Erick Campan, dans le cadre du GOPEI, a continué son travail d’identification de l’entomofaune endémique afin de trouver de potentiels insectes auxiliaires, prédateurs ou parasitoïdes déjà présents dans nos vergers.
En 2018, ce sont plus de 11 000 arthropodes qui ont été identifiés sur les deux vallées. Parmi eux, 9 641 insectes correspondant à 392 espèces différentes ont été trouvés. Il reste à identifier les espèces d’intérêt pour la mise en place d’une lutte biologique en connaissant leurs régimes alimentaires ou les potentiels développements parasitaires. Certaines familles d’Hyménoptères (Braconidae et Diapriidae) présentes dans nos vergers sont tout particulièrement ciblées puisque c’est dans ces groupes que l’on rencontre des parasitoïdes de mouches.

Une fois cet insecte identifié il faudra adapter les pratiques culturales pour faciliter son installation et sa multiplication au sein des vergers.


3ème aspect : étude bibliographique sur les parasitoïdes à l’étranger

Les relations tritrophiques (plante / ravageur / parasitoïde) reposent sur la coévolution. Dans notre système la forte variabilité entre les espèces et les cultivars de noyers et la variabilité génétique des mouches rends ces relations encore plus complexes. 

C’est pour cela que nous nous intéressons aux prédateurs et parasitoïdes de cette mouche dans son pays d’origine (USA) et au Mexique où elle est présente depuis très longtemps. Une recherche bibliographique nous a permis de lister 5 espèces qui s’attaquent à Rhagoletis completa. Une collaboration avec le laboratoire INECOL (Instituto de Ecologia, Xalapa, Veracruz) est en cours pour identifier et tester quelques-unes de ces espèces collectées sur place. Quand une de ces espèces exotiques sera jugée efficace contre la mouche du brou, il nous restera à tester sa spécificité sur la souche présente en France avant une utilisation en lutte biologique sur tout le territoire.

4ème aspect : élevage de la mouche

L’élevage de la mouche du brou in vitro est une étape indispensable dans l’optique du développement et d’essais de lutte avec un parasitoïde. Il faut savoir que cette mouche est particulièrement difficile à élever comme le confirme la bibliographie (où toutes les études ont été faites sur des mouches sauvages).
C’est au laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement que l’émergence des mouches adultes et leur maintenance est étudiée depuis 2017. Les conditions sont maîtrisées : plus de 70 % des émergences anticipées sont réussies, les adultes s’accouplent, leur espérance de vie dans les cages est de plus d’un mois.
En 2018, le travail de recherche a intégré le test de différents substrats nutritifs artificiels pour les mouches. Parmi eux : des carottes, du maïs, du brou de noix, des mélanges de ces substrats. Les résultats sont peu concluants mais permettent d’éliminer les substrats non adaptés à l’élevage des larves.
Le cycle de reproduction de la mouche doit être maîtrisé lui aussi pour pouvoir faire pondre les mouches en captivité, en dehors de la période de présence de noix. Les tests de 2018 ont été réalisés dans un milieu artificiel ou un milieu de substrats naturels de substitution (comme des fruits). Cependant, nos essais se sont avérés peu concluants. La bibliographie annonce que la poire et la nectarine peuvent être des substrats provisoires. Nos résultats confirment que la poire est une plante hôte de substitution pour la ponte mais est inadéquate pour le développement complet des larves. Actuellement nous testons le passage des jeunes larves sur un milieu nutritif artificiel pour compléter leur développement.


5ème aspect : test avec nématodes

Les nématodes sont des vers minuscules dont certaines espèces sont parasites : ils s’attaquent à différents organismes et les tuent à l’aide de bactéries symbiotes. Ils sont utilisés comme méthode de lutte alternative dans plusieurs productions végétales. Suite à une rencontre avec la société Koppert et les partenaires du GOPEI en 2018, le Dr Erick Campan a établi un protocole d’expérimentations des nématodes sur les différents stades de la mouche du brou (R. completa) et deux types de substrat. Deux espèces de nématodes (Steinernema feltiae et Heterorhabditis bacteriophora) ont été testées.

Nos résultats en laboratoire montrent que les nématodes sont efficaces contre les larves de dernier stade de la mouche du brou, quand celles-ci tombent au sol pour passer l’hiver. La mortalité des larves tourne autour de 25% avec H. bacteriophora et 36% avec S. feltiae sur sol de verger. La plus forte mortalité a été de 48% avec S. feltiae, la plus faible de 14% pour H. bacterophora.

Si les larves font leur pupe dans du terreau, alors la mortalité moyenne induite par H. bacteriophora monte à 43%, soit proche du double de celle obtenue sur sol de verger; S. feltiae provoque un taux de mortalité identique à celui obtenu sur sol de verger et ne semble donc pas sensible à la nature du substrat contrairement à H. bacteriophora.

Les nématodes ont également montré une relative efficacité au moment de l’émergence des mouches, en particulier S. feltiae qui peut engendrer une mortalité de 49%. Malheureusement ces résultats sont très variables d’une année à l’autre, ce qui nous laisse penser qu’il vaut mieux intervenir sur les larves.

Aucune efficacité n’a pour l’instant été trouvée sur les pupes (trop résistantes) ou sur les mouches adultes (nettoyage? temps de contact trop faible?).

Les premiers tests en milieu naturel ont eu lieu l’an dernier, à la fin du mois de septembre. Nous avons traité 11 quadras avec S. feltiae et 8 avec H bacteriophora, en région toulousaine et sur la station expérimentale de Creysse. Nous aurons les premiers résultats durant l’été 2022 en comptabilisant le nombre de mouches émergentes et en les comparant aux relevés des zones non traitées.

 

Photo : nématodes sortant d’une larve de R. completa.
© Campan E.D.M.